.
CESEC

Conseil économique, social, environnemental et culturel de la Corse



Cunsigliu ecunomicu suciale
di l'ambiante è culturale di Corsica

Conseil économique social
environnemental et culturel de Corse


Avisu rilativu à u Dispositivu di sustegnu à u mondu agriculu : differenziazione di a tariffazione di l'acqua per e filiere in tensione (Avisu CESEC 2025-48)

Avis relatif au Dispositif de soutien au monde agricole : différenciation de la tarification de l'eau pour les filières en tension (Avis CESEC 2025-48)


Seduta pienaria di u 25 di nuvembre di u 2025



Rapport présenté


Avis du CESECC

Ce rapport de la Collectivité de Corse propose la mise en place d'un dispositif de tarification différenciée de l'eau pour les filières agricoles dites « en tension » (fourrage, céréales, élevage).
 
Ce dispositif s'inscrit dans la stratégie globale de la politique de l'eau de la Corse, visant à préserver la ressource et garantir son accès durable pour tous, avec une attention particulière pour l'agriculture.
 
Contexte et justification du soutien :
  • Filières en Tension : Les filières fourrage, céréales, et élevage connaissent une forte diminution de leurs marges (par exemple, marge brute inférieure à 354 €/ha pour le fourrage et 90 €/ha en bovin/plaine).
  • Causes : Cette baisse est due à la hausse continue des intrants (alimentation, carburant) depuis 2022 et aux effets du réchauffement climatique et des crises économiques.
  • Coût de l'Eau : Le coût de l'eau brute est devenu supérieur au seuil de rentabilité de ces exploitations en 2025, oscillant entre 420 € et 550 €/ha.
L'objectif du soutien est d'assurer la viabilité des exploitations et la continuité de la production, essentielle à la souveraineté alimentaire de la Corse.
 
Le Dispositif de Tarification Différenciée envisagé :
 
Le dispositif repose sur quatre piliers fondamentaux :
  1. Ciblage Sectoriel : Seules les filières présentant une rentabilité structurellement insuffisante (fourrage, céréales, élevage) sont éligibles.  
  2. Co-construction : Les critères d'éligibilité et la nature du soutien sont définis conjointement par l'OEHC, l'ODARC et la Chambre d'Agriculture de Corse, et font l'objet d'une concertation annuelle.
  3. Équité Territoriale et Conformité Technique : L'éligibilité repose sur des relevés objectifs de surfaces et débits et la mise en conformité des dispositifs de comptage.  
  4. Modulation et Transparence : Le soutien vise à garantir un coût cible d'irrigation à hauteur de 250 €/ha.
 
Les modalités de Tarification :

Part Fixe (Abonnement) :
  • Le calcul n'est plus basé sur le volume souscrit horaire (m3/h).  
  • Il est remplacé par un système par tranches de débit et de surface pour atteindre le coût cible de 250 €/ha.
 La grille de l'abonnement est la suivante :
 
Tranche de Débit Abonnement Annuel (2026)
0 à 20 m3/h 100 €
21 à 50 m3/h 200 €
51 à 80 m3/h 300 €
81 à 120 m3/h 500 €
>120 m3/h 1 000 €
 
Part Variable :
  • La part variable facturée au volume d'eau consommé est maintenue.
  • Elle continue d'être calculée selon la formule officielle de l'OEHC, sans dérogation particulière.
 
Conditions d'éligibilité et engagement :
 
Les exploitants éligibles doivent :
  • Être dûment identifiés dans les filières « en tension » (fourrage, céréales, élevage) ;
  • Justifier d'un accès direct à la ressource gérée par l'OEHC et être en mesure de produire les relevés techniques demandés ;
  • Accepter l'accompagnement technique (ODARC, CRA, OEHC) et participer à l'actualisation annuelle des données ;
  • Se conformer aux préconisations de bonnes pratiques de gestion de l'eau ;
  • S'engager dans un plan d'optimisation, de sécurisation et de gestion de la ressource sur une période de 3 à 5 ans.
 
Le dispositif prévoit une clause de revoyure annuelle pour ajuster le soutien financier en fonction de l'évolution des besoins et des contextes économiques/climatiques.
 
Ce dispositif vise à être à la fois un outil de bonne gestion de la ressource en eau et une mesure de soutien équitable et vertueuse au monde agricole
 
Sur le rapport présenté, le CESECC émet les observations suivantes :
 
Préalablement, le CESECC considère que ce rapport, mettant en place une tarification progressive visant à limiter les volumes, s’oriente dans la bonne direction et incite les acteurs, qui disent en être conscients ; à « s’engager dans une démarche de résilience et de sécurisation dès lors qu’elle s’inscrit dans un cadre général permettant une transition vertueuse partagée et progressive vers la construction d’un nouveau modèle ».
 
Il estime donc qu’une réflexion plus générale, visant à définir ce cadre pour la mise en œuvre d’une politique régionale plus globale de gestion transversale de l’eau, reconnue comme bien commun, s’avère nécessaire et est à construire à l’instar de celle déclinée par le « PAM » (Plan Agriculture climat Méditerranée) ; le rapport présenté ne met pas suffisamment en perspective cette démarche.
 
Le CESECC souligne la volonté affichée visant à objectiver, et à dimensionner au mieux, les besoins des cultures par filières avec pour but des consommations raisonnables maitrisées ; cela permettra d’éviter certaines pratiques en inadéquation avec les besoins réels.
 
Néanmoins, le CESECC s’inquiète du nombre croissant de forages publics ou privés, autorisés ou non, et demande que la Collectivité de Corse intervienne auprès des services de l’Etat afin que des contrôles interviennent pour éviter que leur multiplication anarchique n’épuise les nappes phréatiques.
 
Le CESECC entend :
  • La démarche engagée visant à remplacer, dans les 2 ans à venir, les compteurs volumétriques (sources d’erreurs) par des compteurs en télérelève ; Cela permettra un comptage « au plus juste » et une meilleure gestion des ressources ;
  • Que la pose de ces compteurs sera financée sur des fonds FEADER ;
  • Concernant la problématique des multi-abonnements, que le nouveau dispositif de tarification proposé permettra de résoudre les effets négatifs induits touchant de nombreux agriculteurs disposant de plusieurs petites parcelles ;
  • Que sera présenté, tous les ans devant l’Assemblée de Corse, un état des lieux relatif à la préservation de la ressource en eau ;
  • Que la chambre d’agriculture et l’ODARC accompagneront les agriculteurs dans le cadre de la mise en place des outils de gestion et de bonnes pratiques ayant pour objectif de réduire la consommation et de préserver la ressource.
Par ailleurs, le CESECC prend note de la demande de création d’un comité scientifique, installé au sein du comité de Bassin Corse, composé d’experts, qui serait chargé de travailler et de mener des réflexions, entres autres, sur les eaux profondes ou sur l’asséchement des nappes (résultant de pompages) afin de proposer des solutions efficientes et durables.
 
D’un point de vue environnemental, le CESECC porte à la connaissance de la Collectivité de Corse un travail réalisé au sein du réseau des CES de l’Arc Méditerranéen auquel il a contribué récemment et qui prend la forme d’un « Plaidoyer en faveur de la reconnaissance de l’agriculture méditerranéenne dans la PAC » (cf. annexe).
 
Il attire l’attention sur les préconisations formulées, validées collectivement, « pour une gestion durable et stratégique des ressources en eau pour l’adaptation au changement climatique », susceptibles d’être reprises et notamment :
  • Encourager les investissements dans l’utilisation des eaux non conventionnelles (dont les eaux grises) dans l’agriculture ;
  • Promouvoir les investissements pour la gestion conjointe et coordonnée des eaux souterraines et des eaux de surface ;
  • Promouvoir des initiatives innovantes et des modèles de gestion disruptifs pour relever les défis liés à l’eau dans l’agriculture méditerranéenne (banque de l’eau agricole) ;
  • Promouvoir activement la diète méditerranéenne qui réduit considérablement l’empreinte hydrique (voir l’auto-saisine du CESECC « Manghja nustrali un’altra primura : l’autonomie alimentaire une cause territoriale ».
 
Par ailleurs, le CESECC est convaincu qu’une réflexion, impulsée par les principaux acteurs que sont la chambre d’agriculture, l’OEHC et l’ODARC, doit être menée avec les agriculteurs afin d’envisager des conversions de cultures moins gourmandes en eau pour s’engager vers plus de sobriété, même s’il entend les difficultés évoquées par Mme la Présidente de l’OEHC.
 
Concernant le stockage, le CESECC incite la Collectivité de Corse à engager une discussion, et à mener une réflexion, avec EDF concernant les Stations de Transfert d’Energie par Pompage (STEP), qui fonctionnent en circuit fermé, et qui permettent à la fois de « pomper de l’eau » mais aussi d’effectuer du stockage et note que l’absence d’un autre mode de stockage, la retenue collinaire, dans la liste des actions menées au sein de la stratégie opérationnelle figurant dans le rapport, résulte d’un oubli.
 
Enfin, le CESECC note avec satisfaction le développement de l’agroécologie et l’agroforesterie en Corse comme exemple de levier de résilience climatique ; 36 GIEE (Groupement d’Intérêt Economique et Environnemental) œuvrant dans l’île.
 
Le CESEC émet un avis favorable au rapport relatif au dispositif de soutien au monde agricole : différentiation de la tarification de l’eau pour les filières en tension.
 

Rédigé le 26/11/2025 et modifié le 26/11/2025 à 15:07