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CESEC

Conseil économique, social, environnemental et culturel de la Corse



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environnemental et culturel de Corse


Avisu rilativu à u Prughjettu ' Genoty'Capra - L'identificazioni genetica di l'animali pà una migliò gistioni di a variabilità genetica è di i capacità pruduttivi di a razza capruna corsa (Avisu CESEC 2025-34)

Avis relatif au Projet 'Genoty'Capra - Le génotypage des animaux pour une meilleure gestion de la variabilité génétique et des performances de la race caprine corse (Avis CESEC 2025-34)


Seduta pienaria di u 24 di lugliu di u 2025



Rapport présenté


Avis du CESECC

Avec le projet "Génoty'capra", l'Office de Développement Agricole et Rural de Corse (ODARC) vise à améliorer la gestion de la variabilité génétique et des performances de la race caprine Corse grâce au génotypage des animaux. Ce projet s'inscrit dans une démarche de pérennisation de l'élevage caprin insulaire, activité emblématique de l'agriculture et du pastoralisme corse, actuellement confrontée à de multiples difficultés.

L'élevage caprin en Corse fait face à plusieurs défis majeurs qui menacent sa durabilité et sa compétitivité.
  • Faible productivité et sélection limitée : Le schéma de sélection actuel se base principalement sur la production laitière et la matière protéique (MP), un indicateur influencé par de nombreux facteurs environnementaux et dont l'héritabilité est moyenne et variable. Cela rend difficile l’estimation des valeurs génétiques réelles des animaux. De plus, les productions faibles freinent l'achat de boucs, et l'absence de connaissance des paternités due au mode de mise à la lutte entraîne un risque de baisse de variabilité génétique et une hausse de la consanguinité au sein des troupeaux, voire de la race.
  • Problématiques sanitaires : La race caprine Corse est confrontée à de nombreux problèmes sanitaires ayant un impact sur la fertilité, la production laitière et la longévité des animaux. Bien que le plan Capra Sana 2024-2028 vise à préserver la santé des troupeaux, sa mise en œuvre est difficile sans l'appui de la génétique.
  • Manque de données et d'outils précis : Le contrôle laitier, bien qu'essentiel, est limité par l'hétérogénéité des données et l'absence de généalogies précises. L'absence de séquençage d'animaux de race Corse exclut la race des études internationales, retardant la détection de gènes d'intérêt.​

Éléments de Contexte:
La race caprine Corse est traditionnellement élevée de manière extensive, se nourrissant principalement du maquis, ce qui contribue à la prévention des incendies et à la fourniture de services écosystémiques. Cependant, cette activité est aujourd'hui en difficulté en raison de menaces sanitaires, d'une faible productivité et de l'introduction de races exogènes.

Depuis 2019, l'ODARC anime la filière dans le cadre du plan Capra Corsa, Capra Viva, en partenariat avec l'Associu di i capraghji corsi. Un programme de sélection a été mis en place depuis la reconnaissance de la race Corse en 2003, validé par le Règlement Zootechnique Européen en 2018.

Le projet "Génoty'capra" est en accord avec le Plan Stratégique National (PSN) de la Corse et le Plan d'ambition 2021-2025, visant à améliorer la compétitivité des filières agricoles et le développement socio-économique des zones rurales, ainsi qu'à renforcer les connaissances des éleveurs et les programmes de sélection. Il est également directement lié au Règlement Zootechnique Européen (RZE) concernant la gestion du livre généalogique et les objectifs de sélection.

Les organismes partenaires impliqués dans ce projet sont : l'ODARC, la Chambre d'agriculture de région Corse (CARC), l'Interprofession laitière ovine et caprine de Corse (ILOCC), le Groupement de Défense sanitaire (GDS) Corse, l'Associu i capraghji corsi, l'Institut National de Recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), l'Institut de l'Elevage (IDELE), l'Unité Mixte Technologique Sélection génétique pour la Transition Agroécologique des petits Ruminants (UMT STAR), Capgènes et Labogena.

Éléments Sanitaires:
La race caprine Corse est sujette à plusieurs problèmes sanitaires qui affectent la fertilité, la production laitière et la longévité des animaux. Le projet "Génoty'capra" propose d'étudier la résistance génétique à certaines de ces maladies, notamment le CAEV (Arthrite Encéphalite Caprine Virale), la paratuberculose et les strongles gastro-intestinaux.
  • CAEV : L'étude vise à qualifier les signes cliniques du CAEV à l'échelle individuelle (notamment les "gros genoux") via un phénotypage des femelles et des sérodiagnostics. Le statut sanitaire global du troupeau sera aussi évalué par prélèvement de lait de tank.
  • Paratuberculose : Une étude pilote sera menée pour explorer la résistance génétique à la paratuberculose chez les caprins, s'appuyant sur des travaux réalisés chez les bovins et l'enrichissement de la puce 50K caprine en marqueurs génomiques pertinents. Des prélèvements sanguins seront effectués sur les animaux non vaccinés.
  • Strongles gastro-intestinaux : La sélection génétique pour la résistance à ces parasites est envisagée, mesurée par le comptage d'œufs dans les fèces. Deux analyses par animal seraient réalisées sur deux années successives, et les éleveurs devront noter les traitements anthelmintiques effectués.
Plan d'Actions et Solutions Envisagées:
Le projet "Génoty'capra" est organisé en sept volets sur une durée de cinq ans, à partir de 2025.

Volet 0 : Coordination générale et communication
Un comité de pilotage, composé d'un membre de chaque partenaire, assurera le suivi du calendrier, du budget et la validation des travaux. Des groupes de travail spécifiques seront mis en place pour chaque sous-projet. La coordination générale sera assurée par le chef de projet. La communication inclura une diffusion territoriale pour les éleveurs et une diffusion scientifique (articles, congrès).

Volet 1 : Étude de la variabilité génétique
L'objectif est de recueillir des informations sur les gènes d'intérêt, la filiation et l'appartenance raciale. Des prélèvements de cartilage seront réalisés sur un nombre défini d'animaux chaque année. La première année (2024, bien que le projet démarre en 2025), cela inclura 270 boucs adultes, 90 de leurs mères, 95 boucs de renouvellement et leurs mères, ainsi qu'une quarantaine de boucs de sélection et leurs mères. Les années suivantes, seuls les boucs de renouvellement et leurs mères, ainsi que les chèvres en 2ème lactation seront prélevés. Ces prélèvements permettront d'obtenir des filiations complètes et d'étudier la transmission des gènes. Des informations phénotypiques (sexe, année de naissance, standard de la race, couleur de la robe, longueur du poil, présence de cornes, pointage mammaire, etc.) et sanitaires seront collectées et intégrées dans une base de données. Le génotypage et les résultats seront stockés dans la base de données SIGENO de Valogène.

Volet 2 : Étude sanitaire
Ce volet vise à explorer la résistance génétique aux maladies (CAEV, paratuberculose, strongles gastro-intestinaux). L'étude se concentrera sur les femelles pour évaluer l'impact du statut sanitaire sur les performances laitières. Un partenariat avec le GTV (Groupement Technique Vétérinaire) sera mis en place pour avoir des vétérinaires référents.

Volet 3 : Performances laitières
Les données sur la qualité du lait (TP, TB, urée, CSS) seront utilisées, complétées par des spectres MIR et des analyses complémentaires. Le génotypage permettra d'améliorer la précision des performances laitières en contrôlant la consanguinité et en permettant une meilleure connaissance des généalogies. Un plan d'accouplement raisonné pourra être mis en place. L'étude génétique des caractères laitiers et de la morphologie de la mamelle débutera une fois plus de 1000 chèvres génotypées.

Volet 4 : Gestion de la consanguinité
Les informations du génotypage serviront à calculer des indicateurs pour la gestion de la variabilité génétique au sein et entre les troupeaux. Un tableau de bord sera développé pour les éleveurs.

Volet 5 : Analyses génétiques
Seule la puce V3 Illumina caprine sera utilisée pour les analyses. Des analyses génétiques (facteurs de variation, paramètres génétiques, GWAS) seront menées à partir des phénotypes de production, de morphologie et des données de santé. Une indexation en test pourra être réalisée. Les analyses se dérouleront en deux temps, avec une première partie à mi-parcours, et un stagiaire financé par le projet à l'INRAE pour l'analyse des données. Les génotypages futurs permettront des rapports individuels automatisés (consanguinité, pourcentage d'appartenance raciale, généalogies).

Volet 6 : Valorisation - restitution aux éleveurs
Les éleveurs suivis en contrôle laitier recevront des fiches d'informations par animal (généalogie, appartenance raciale, résistance génétique aux maladies), des plans d'accouplement raisonné et des boucs de sélection adaptés. Le projet permettra de réviser le choix des mères à boucs et d'évaluer leur impact. Le séquençage de 10 à 20 animaux de race Corse est prévu en fin de projet (année 4 ou 5) pour faciliter la détection de gènes d'intérêt en participant à des travaux à une échelle internationale.

Coûts et Financement:
Le coût total prévisionnel du projet "Génoty'capra" sur cinq ans (2025-2029) s'élève à 702 290 €.

Les dépenses se répartissent comme suit :
  • Prestations de service (analyses sanitaires, génétiques, génotypage, frais vétérinaires) : 402 290 €
    • Année 1 (2025) : 81 450 €
    • Année 2 (2026) : 67 850 €
    • Année 3 (2027) : 84 820 €
    • Année 4 (2028) : 78 020 €
    • Année 5 (2029) : 90 150 €
  • Frais de personnel (1 ETP) : 300 000 €
    • 60 000 € par an de 2025 à 2029
Le financement sera assuré à 100% par la Collectivité de Corse, pour un montant total de 702 290 €, dans le cadre du "Programme Opérations spécifiques - Dispositif Gestion de crise" inscrit au budget de l'ODARC. Ce dispositif d'aide est mis en œuvre conformément au régime d'aides exempté n° SA.108732, relatif aux aides à la recherche et au développement dans le secteur agricole pour la période 2023-2029. L'ODARC assurera le portage du projet et la gestion des dépenses afférentes aux actions des partenaires.

Sur le rapport, le CESECC émet les observations suivantes :
 
Le CESECC se félicite de la mise en œuvre de ce plan particulièrement attendu et qui participera à la sauvegarde d’une filière en grande difficulté.

Le projet étant basé sur les adhérents aux contrôles laitiers officiels ou simplifiés, le CESECC s’interroge concernant le réservoir d’éleveurs présents dans ce dispositif autant que sur les tendances de participation de ces derniers.
Sur ce point, le CESECC entend qu’actuellement les résultats se situent dans une tendance basse avec 13 éleveurs en Corse-du-Sud et 6 en Haute-Corse (pour un total d’environ 3000 caprins). Il semble essentiel de fidéliser ces éleveurs afin de rendre stables les effectifs d’animaux et le socle de ces travaux.

Considérant qu’il convient de bénéficier, à la base, d’un nombre suffisant d’animaux phénotypés et génotypés afin d’engendrer des équations de prédiction des performances, le CESECC s’interroge sur le nombre d’années qui seront nécessaires afin d’établir ces équations et entend que normalement le délai est fixé à 3 ans. Naturellement, la fiabilité de ces équations dépendra de la continuité des efforts consentis et de la consistance des résultats obtenus.

Relativement au volet 5, concernant les analyses génétiques par séquençage qui vont permettre d’avoir l’ensemble du génome qui sera décrypté sur un petit nombre d’animaux afin de participer à des comparaisons au niveau international, le CESECC incite l’ODARC à se rapprocher des organismes qui font déjà cela en Italie ou en Sardaigne.
En effet, en termes de proximité génétique la race caprine corse montre des proximités plus fortes avec les races sardes et italiennes qu’avec les races du continent français.
Il serait donc intéressant qu’il y ait, dans le consortium international, des représentants sardes et italiens afin de voir comment se positionne la race caprine corse dans l’objectif de déterminer plus précisément des familles de races.

Au-delà de cette question génétique, le CESECC souligne et alerte sur les nombreux soucis de foncier et d’accès à l’eau auxquels sont confrontés tous les éleveurs toutes filières confondues et, en particulier, les élevages caprins extensifs.

Parallèlement, le CESECC est convaincu qu’il convient de sensibiliser au mieux la filière afin de s’adapter au changement et d’intégrer dans les esprits la pratique de l’insémination qui est, encore aujourd’hui, parfois mal perçue, même si elle demeure pour le moment un projet sur le moyen terme. Cette technique permettra à la fois une meilleure estimation de la valeur génétique des boucs d’insémination (avec un accroissement de leurs filles et une plus grande précision obtenue) et une meilleure diffusion du progrès génétique dans la race. 

Enfin, le CESECC entend, sur la question de la race corse, qu’il ne lui est pas possible d’être classée, à l’échelle européenne et afin de bénéficier d’aides spécifiques, comme une race régionale en difficulté car le nombre de femelles en âge de se reproduire dépasse le seuil minimal qui lui permettrait d’être reconnue comme race a « petits effectifs » ; ce qui la rendrait éligible.

Le CESEC émet un avis favorable au rapport relatif au projet genoty’capra – le génotypage des animaux pour une meilleure gestion de la variabilité génétique et des performances de la race caprine corse.

Rédigé le 01/08/2025 et modifié le 01/08/2025 à 15:50