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CESEC

Conseil économique, social, environnemental et culturel de la Corse



Cunsigliu ecunomicu suciale
di l'ambiante è culturale di Corsica

Conseil économique social
environnemental et culturel de Corse


Avisu rilativu à u Bilanciu è pruspettive di a dimarchja di splurazione intornu à l'intelligenza artificiale à u serviziu di l'azzione publica in Corsica (Avisu CESEC 2025-46)

Avis relatif au Bilan et perspectives de la démarche exploratoire autour de l'intelligence artificielle au service de l'action publique en Corse (Avis CESEC 2025-46)


Seduta pienaria di u 28 d'ottobre di u 2025



Rapport présenté


Avis du CESECC

Le rapport soumis à l’avis du CESECC présente le bilan et les perspectives de la démarche exploratoire conduite par la Collectivité de Corse autour de l’intelligence artificielle générative, dans le cadre du programme Smart Isula, consacré à un numérique éthique, souverain et au service de l’action publique.

Menée sur une période de neuf mois entre 2024 et 2025, cette exploration a mobilisé une quarantaine d’agents volontaires issus de l’ensemble des directions de la Collectivité, accompagnés d’experts, pour tester concrètement l’usage de l’IA dans différents domaines administratifs.

Cinq cas d’usage ont été expérimentés – assistance administrative, accès aux données stratégiques, relation usager, chatbot interne et veille territoriale – afin d’en évaluer les bénéfices, les limites et les conditions de déploiement.

Le rapport tire de cette expérience dix enseignements majeurs et formule dix recommandations pour un usage maîtrisé et responsable de l’IA, articulé autour de la formation, de l’éthique, de la supervision humaine et de la souveraineté numérique.

Il s’accompagne d’un guide de bonnes pratiques fixant douze principes de référence pour encadrer l’emploi de l’intelligence artificielle dans l’action publique.

L’ensemble constitue le socle d’une future stratégie territoriale de l’IA en Corse, fondée sur un principe central : faire de ces outils un levier au service des politiques publiques, et non une finalité technologique.

Il conclue une première étape de travail et ouvre sur une deuxième qui doit se terminer à l'été 2026, avec une mise à l'épreuve des acquis de la première étape.

Une étape vers une stratégie insulaire de l’intelligence artificielle
Le CESECC salue la qualité du travail exploratoire mené par la Collectivité de Corse, tant par la rigueur de sa méthode que par la clarté des enseignements qui en sont issus. Cette démarche, participative et ouverte, repose sur un principe d’expérimentation concrète, privilégiant l’observation des usages à la simple projection théorique. Elle illustre une approche équilibrée du progrès technologique, fondée sur la prudence, la concertation et la responsabilité.

Le CESECC souligne que le rapport a su éviter les deux écueils de la technophobie et de la technobéatitude, en conciliant esprit critique et confiance dans la capacité des agents à s’approprier les outils de manière raisonnée et éthique. Il considère que ce positionnement témoigne d’une maturité institutionnelle : l’intelligence artificielle y est envisagée comme un outil d’émancipation collective, et non comme une substitution de la décision humaine.

Enfin, le CESECC reconnaît dans ce rapport les fondations d’un cadre de confiance durable pour l’usage de l’IA au sein des services publics insulaires, conforme aux valeurs de transparence, de responsabilité et de service à la population.

Consolider les acquis, prévenir les dérives
Maîtrise et qualité des données
Le CESECC insiste sur la nécessité absolue de garantir un socle de données fiable, souverain et maîtrisé, condition essentielle à tout déploiement d’outils d’intelligence artificielle. Les données publiques constituent un patrimoine collectif ; leur gouvernance doit être assurée par la Collectivité dans un cadre de transparence, d’interopérabilité et d’hébergement sécurisé, idéalement sur le territoire insulaire. Le développement d’une politique publique de la donnée doit accompagner toute stratégie IA, afin de prévenir les biais, les dépendances techniques et les risques d’aliénation numérique.

Accompagnement humain et formation
Le CESECC rappelle que l’intelligence artificielle doit demeurer au service de l’humain, et insiste sur la nécessité d’une garantie humaine à chaque étape de son développement, de la conception à son utilisation. Son intégration dans l’action publique requiert un accompagnement soutenu : formation, montée en compétences, apprentissage du discernement et du sens critique. Cela met en évidence la nécessité d’un plan de formation progressif, accessible à tous les niveaux – agents, encadrants et élus – et d’une vigilance particulière à la fracture numérique qui persiste au sein des administrations et des territoires. La sensibilisation éthique et la capacité d’analyse critique devront être considérées comme aussi importantes que la compétence technique.

Les Chatbot, s'appuyant en grande partie sur l'IA, ont tendance à se généraliser dans les relations entre les usagers et les administrations, mais sont régis par un cadre strict et des processus prédéfinis. De fait, lorsque le besoin d'un usager ne rentre ni dans ce cadre, ni dans les processus prédéfinis, pour diverses raisons (cas particulier, difficulté d'accès à des informations de nature obligatoire, actions innovantes, etc.), il ne lui est pas possible d'aller au bout de la procédure. Le CESECC estime indispensable de conserver la possibilité de s'adresser, en dernier recours, à un opérateur humain si la procédure n'aboutit pas, de manière à permettre une juste appréhension de ces cas particuliers.


Éthique et responsabilité
Le CESECC souscrit pleinement à l’exigence de traçabilité des productions IA, telle qu’énoncée dans le rapport (NIA, AIA, GIA), et souligne que toute utilisation de l’intelligence artificielle dans l’action publique doit être accompagnée d’une supervision humaine effective. La responsabilité juridique et morale des décisions doit rester attachée à l’agent ou à l’autorité compétente. Le CESECC invite également à poursuivre la réflexion sur les mécanismes de contrôle, d’évaluation et de recours, afin d’assurer la protection des usagers et de prévenir tout usage automatisé ou non transparent de l’IA.

Souveraineté et sécurité numérique
Le CESECC relève la nécessité une vigilance particulière face aux risques de captation des données par des fournisseurs non européens et aux logiques de dépendance technologique. Il soutient l’orientation prise par la Collectivité en faveur de solutions souveraines, ouvertes et interopérables, et l’initiative visant à créer un pôle d’hébergement insulaire apte à accueillir des moteurs d’IA et des bases de données territoriales. Il encourage également la mise en place d’un règlement d’aides spécifique pour soutenir la recherche et l’innovation en matière d’intelligence artificielle éthique en Corse.

Partenaires, prestataires et marchés publics
Le CESECC estime que les principes éthiques déontologiques et de vigilance posés par la Collectivité doivent s’appliquer également à ses partenaires et prestataires. Les travaux réalisés pour le compte de la Collectivité – études, prestations intellectuelles, solutions logicielles ou services numériques – doivent respecter les mêmes exigences de transparence, de traçabilité et de supervision humaine que celles imposées en interne. Le CESECC recommande que ces principes soient intégrés dans les clauses des marchés publics, afin d’identifier les productions réalisées à l’aide d’outils d’intelligence artificielle et d’en garantir la responsabilité juridique. Cette vigilance contractuelle constitue un prolongement nécessaire du cadre de confiance instauré par la démarche Smart Isula.

Impact environnemental
Le CESECC souligne la consommation énergétique élevée des outils d’intelligence artificielle générative et la nécessité d’une approche fondée sur la sobriété numérique. Il recommande que les futurs marchés publics et appels d’offres intègrent des critères environnementaux relatifs à l’efficacité énergétique, à l’utilisation d’énergies renouvelables et à la durabilité des infrastructures numériques.

Le CESECC encourage également le développement d’IA frugales, adaptées aux besoins réels des services publics insulaires, limitant les effets de surconsommation de ressources. Il rappelle que plusieurs travaux publics récents peuvent éclairer cette réflexion, notamment le kit ECOLAB pour une intelligence artificielle frugale publié par le ministère de la Transition écologique, ainsi que les études menées par l’ADEME sur les impacts environnementaux du numérique et les effets énergétiques de l’IA générative. Sans devoir s’y référer formellement, le CESECC considère toutefois que ces outils peuvent utilement inspirer la Collectivité de Corse dans la mise en œuvre d’une stratégie numérique responsable, conciliant innovation et sobriété.

Pour une gouvernance publique et partagée de l’intelligence artificielle : la CdC ayant vocation à jouer un rôle moteur dans les domaines suivants,
  • Adopter et diffuser le guide des bonnes pratiques, en le rendant accessible à l’ensemble des agents et collectivités territoriales.
  • Associer le CESECC à la future gouvernance Data/IA, afin de garantir un suivi éthique et sociétal.
  • Structurer un plan de formation territorial complet, en lien avec les partenaires académiques, les organismes de formation et les partenaires sociaux.
  • Évaluer systématiquement les impacts environnementaux et sociaux des outils IA utilisés par la Collectivité.
  • Mutualiser les outils, méthodes et retours d’expérience entre les différentes collectivités corses, notamment pour accompagner les plus petites d’entre elles.
  • Encourager les initiatives linguistiques et culturelles autour de la langue corse et du patrimoine informationnel local.
  • Garantir la traçabilité et la transparence des contenus produits avec IA dans l’administration, et en informer les usagers, en particulier au moyen de l'apposition de logos informant sur le degré de collaboration de l'IA à l'élaboration du document.
En conclusion
Le CESECC prend acte positivement du bilan et des perspectives de la démarche exploratoire conduite par la Collectivité de Corse autour de l’intelligence artificielle générative. Il salue la qualité, la rigueur et la prudence de ce travail, qui constitue une étape fondatrice pour la définition d’une stratégie insulaire de l’intelligence artificielle éthique et souveraine. Il souligne la pertinence du guide des bonnes pratiques proposé, et formule les recommandations ci-dessus afin d’accompagner la Collectivité dans la poursuite d’une politique numérique exemplaire, conciliant innovation technologique, responsabilité humaine et valeurs de service public.

Rédigé le 29/10/2025 et modifié le 29/10/2025 à 11:09