Signori i cunsiglieri esecutivi,
Care è cari membri di l’Assemblea di a ghjuventù,
Care ghjuvanotte, cari ghjuvanotti,
Vi ritrovu oghjè cù assai piacè prima di a tradiziunale pausa di a statina.
Sta terza sessione di l’Assemblea di a Giuventù dapoi a stallazione di a nova mandatura, di ghjennaghju scorsu, ci mostra a vitalità di sta stituzione è chì u vostru impegnu hè maiò.
Da quandu ete pigliatu e vostre funzione, e vostre cummissione è i vostri travaglii ùn si sò mai fermati è vi vogliu felicità pè què.
Sughjetti d’impurtanza ci ne sò parecchji oghje in Corsica è ind’è u mondu è e vostre dumande à bocca ne dannu l’esempiu ; autonomia alimentare, trasporti, furmazione, lotta contr’à l’incendii, impiegu, accunciamentu di u territoriu….
Avant de procéder à l’examen de vos deux premiers rapports thématiques, le premier sur les enjeux numériques et la data, le deuxième sur la spéculation immobilière, nous allons consacrer notre traditionnel débat d’orientation générale à un thème que vous avez-vous-mêmes choisi de porter jusque dans cet hémicycle, celui du corps électoral corse de demain.
Il me semble essentiel, avant que de poser mon propre regard sur le sujet, de resituer ce thème dans son contexte et expliquer ce qu’il évoque ou comporte.
Parler de corps électoral aujourd’hui c’est faire référence à plusieurs enjeux, très fortement connectés :
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D’abord, un enjeu démocratique
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Un enjeu démographique, ensuite
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Et enfin, un enjeu identitaire
Démocratique tout d’abord, car parler de corps électoral c’est bien parler de l'ensemble des personnes qui bénéficient du droit de vote lors d'un scrutin donné. Il s’agit donc de la définition même de ceux qui exprimeront un choix lors d’une élection, soit la désignation de personnes à une ou plusieurs charges publiques, ou d’un référendum, qui est une procédure de consultation directe des électeurs sur une question ou un texte.
Il s’agit donc, en allant plus loin, du visage (ou des visages) de notre démocratie.
Pourquoi donc questionner ce visage aujourd’hui ?
Car la Corse change et c’est un enjeu démographique.
Elle change à une vitesse déconcertante, c’est d’ailleurs ce que je disais il y a deux semaines à cette place, aux élus de l’Assemblée de Corse.
En 1990, nous étions 250 000.
35 ans plus tard, nous sommes 360 000.
+110 000 personnes.
Cette progression s’explique quasi exclusivement par un solde migratoire positif, c’est-à-dire des arrivées. Et rien que sur 2024, ce sont plus de 4 000 arrivées nettes que l’INSEE comptabilise.
Qu’est ce qui se cache derrière ces chiffres ?
Que notre île reçoit annuellement une part importante de nouveaux habitants. Et là, stop aux fantasmes, ils ne viennent pas d’un ailleurs lointain, contrairement à ce que semble penser Jordan Bardella… Donc, de fait, notre île se peuple de nouveaux visages. Les mêmes qui, s’ils le souhaitent, vont pouvoir facilement émarger sur les listes électorales et donc prendre part d’abord au débat public, puis au vote.
Rien de compliqué sur le papier, si ce n’est que dans la réalité, la proportion d’arrivées est aujourd’hui telle qu’elle impacte profondément la structure démographique de notre île et risque à terme de déstructurer notre corps social avec un impact évident sur la sociologie électorale de la Corse.
Or, en science politique, il y a trois principaux modèles pour expliquer les comportements électoraux. Le premier repose sur une approche sociologique et se fonde sur le postulat d'un effet des variables socio-économiques (sexe, âge, classe sociale, etc.) sur le vote. Le second est une approche psycho-sociologique, à savoir l'électeur choisit son candidat par identification partisane. Le troisième s’inspire de modèles économiques et se base sur un électeur rationnel qui effectuerait des choix politiques pour maximiser ses intérêts. En bref, trois dimensions : le profil des électeurs, l’inscription dans une trajectoire et le choix plus ou moins rationnel.
C’est ici qu’entre en jeu l’enjeu – permettez-moi le vilain jeu de mot – identitaire ou d’appartenance.
Qu’il y a-t-il de plus significatif sur le plan identitaire que le sentiment d’appartenance à un tout, à un collectif et de nous exprimer au nom de ce dernier ? Ce qui semble alors froid quand on parle de corps électoral est en réalité plus profond car il s’agit du peuple. Oui, décider, dans un village, une ville ou un pays, de ses représentants, ou de son futur, c’est participer à façonner la trajectoire du peuple auquel on appartient.
Et alors, comment croire ou penser que, dans une île soumise à 4000 arrivées nettes par an en moyenne sur plusieurs décennies, déjà exposée à la perte de ses principaux repères culturels, en proie à des phénomènes de prédation majeurs, soumise à l’évolution des modes de vies et à des logiques individualistes toujours plus prégnantes, le fait d’avoir un corps électoral lui-même en constante évolution ne soit pas partie prenante du problème voire un réel facteur d’aggravation ?
La question du corps électoral pose donc fondamentalement celle du devenir de notre peuple et de la recherche indispensable d’un équilibre. L’équilibre entre notre évolution naturelle et la nécessaire reconnaissance de ce que nous sommes pour nous permettre de sauvegarder ce qui doit l’être, à savoir notre être profond. L’expérience kanak nous démontre d’ailleurs que ce sujet est épineux et en constante évolution quant à son impact dans le cadre de la trajectoire d’un territoire soumis à des migrations importantes.
C’est en cela que la reconnaissance institutionnelle représente une étape fondamentale. Elle n’est pas un caprice, elle représente une première brique pour sacraliser un certain nombre de fondamentaux.
Mais il est vrai qu’elle n’est pas tout…
D’autres sujets sont et seront à traiter, celui de l’accès au foncier en est un.
À ce titre, je tiens à saluer l’initiative, je devrais dire le combat, du maire de Moncale qui s’engage concrètement pour que les jeunes Corses ne soient pas dépossédés de leur terre, notamment à travers des projets de construction accessibles aux primo-accédants.
Qui votera demain pour décider du futur de la Corse ? C’est le sujet, mais il ne doit pas à mon sens parasiter les décisions institutionnelles à venir. Il mérite d’être posé et méritera d’être discuté, faute de quoi nous aurons nous-mêmes créés les conditions de notre isolement et de notre « minoration » sur cette terre.
C’est pourquoi je continue à penser que la démographie doit être un sujet de chaque instant pour tous les enjeux qu’il implique, pas seulement les arrivées mais aussi la natalité ou le vieillissement, ce que nous traitons au sein de Corsica Pruspettiva 2050.
Un pays vieux, qui ne fait plus d’enfants et qui continue d’accueillir, sans capacité d’intégrer, et dans lequel les conditions de la sauvegarde de ses propres acquis ne sont ni reconnues ni réunies, ne peut construire son avenir de manière sereine.
Care è cari ghjuvanotti, la démographie, si elle est subie, devient une mécanique froide. Mais pensée collectivement, elle peut faire l’objet de réflexions fructueuses et dépassionnées afin d’identifier les leviers politiques, économiques et réglementaires appropriés pour contruire une politique d’intégration indispensable.
Pè contu meiu,cuntinueghju à crede ch’ùn avemu micca luttatu tutti st’anni, cù riescite maiò pensate da per noi - u Riacquistu ne face parte - pè accittà oghje d’ùn avè più nisuna maestria di u nostru avvene.
Stu dibattitu ghjè essenziale è cumplessu. À voi di trattà lu cù misura.
Ùn vi lasciate intrappulà in discorsi dighjà pronti perchè sta volta, cume lu si dice, « l’affare ghjè veramente in francese ».
Bon travagliu è bon dibattitu à tutti,
À ringrazià vi.