A la galerie Noir et Blanc : Philippe Lorin et Denis Chetboune : "Des portraits et des bronzes"

Par Jean-Pierre Girolami *

Sitôt franchi le seuil de la galerie, ils nous observent. Visages de Pascal Paoli, de Napoléon, et plus près de nous, d'Edmond Simeoni, figés sur le mur de l’histoire.
Têtes (re)connues pour avoir laissé leur nom dans la littérature comme Salvatore Viale, ou dans la chanson comme Brassens. Quatre-vingts portraits nous interpellent. Extraordinaire galerie d’hommes et de femmes, magnifiée par un réalisme habile à restituer l’authenticité d’un regard, la vérité d’une expression. Marcel Jouhandeau décèle chez l’artiste une érudition de graveur. À savoir « l’intelligence de la main, la connaissance exacte du dosage du chromatisme, et le sens inné du geste à ne pas risquer. » Autant de qualités désignant Philippe Lorin comme l’illustrateur idéal du livre de Thierry Ottaviani « Les Corses qui ont fait la Corse » qui sera dédicacé le soir même du vernissage. Tout portrait peint avec âme, disait Oscar Wilde, « est un portrait non du modèle mais de l’artiste. » Philippe Lorin peint avec âme.

Dans l’imaginaire du sculpteur Denis Chetboune, il y a des visages mais surtout des corps. Disloqués mais debout, solitaires mais solidaires. Silhouettes fantomatiques brisées par une déchirure, morale autant que physique, trahissant le pathétique de la condition humaine à l’image de Bacon. La question métaphysique sublimée par la création artistique. Jacques Dor exalte l’œuvre de Chetboune : « Âmes sensibles ne pas s’abstenir, car c’est l’humain qui est ici le véritable centre, la véritable langue du sculpteur : une langue vivante. »
Dans cet univers de tragédie, la tendresse trouve une place. Témoin ce buste où deux têtes s’effleurent dans un câlin réciproque. En le soulevant on peut lire : « Un matin mon sourire s’échoua sur ton visage... » Poème dans une bouteille à la mer.

* Journaliste et auteur notamment de Insulaire (Critères éditions) ; Un rêve d’eau qui mène jusqu’au ciel, tome 1 d’une trilogie sur Gabriel Diana ; La Corse et l’univers poétique d’André Giovanni (Michel de Maule).