Assemblea di Corsica
Facebook
Twitter
Instagram
YouTube

Assemblea di Corsica


LA GRANDE ILLUSION




L’examen d’un budget primitif rythme la mandature en ce sens qu’il révèle l’impulsion voulue par l’Exécutif. Chacun, selon les bancs où il siège , a loisir d’en décrypter le socle technique ou les fondements politiques.
 
Pour notre part, nous avons fait valoir que le niveau d’investissement restait insuffisant, que les dépenses de fonctionnement n’étaient pas assez maîtrisées, que la dette atteignait des records avec une prévision flirtant avec les 900 millions d’euros d’encours en fin d’exercice, que trois quarts des dépenses étaient affectées au fonctionnement : les temps ont bien changé ! En 2009, quand la CTC dépensait 100 euros, 57 allaient à l’investissement, et 43 au fonctionnement. On investissait 300 millions d’euros par an en en empruntant seulement 30. Notre capacité de désendettement était de 2,7 années. Et la partie de l’opposition qui est à ce jour en responsabilité disait voir « rouge » ; ce qui en dit long sur l’objectivité en matière budgétaire.
 
Mais au-delà des aspects combinatoires, notre façon d’appréhender ce débat budgétaire est avant tout politique. Ce sont d’ailleurs sur ces bases là que Femu a Corsica, principale force de la majorité d’aujourd’hui et de l’opposition d’hier, a systématiquement voté contre les budgets avant 2015, sauf rares exceptions.  Jean-Christophe Angelini, en mars 2007, suggérait « qu’il serait opportun d’organiser dans le cadre de nos exercices budgétaires des sessions beaucoup plus tôt, et de donner au budget un souffle qui lui manque cruellement. »
 
Aujourd’hui, alors que nous votons le budget fin mai, où est le souffle tant réclamé ? Celui-ci est pourtant le 1er de la collectivité unique, et le 3ème de la majorité nationaliste. Trois ans après leur accession aux responsabilités, les nationalistes convoquent une fois de plus des responsables, pour ne pas dire des coupables : l’Etat, la droite, la gauche, les arriérés, les départements. 57% des voix et 65% des sièges pour nous présenter un budget d’inventaire des politiques sectorielles qui ne sont pas nées hier matin et se défausser sur « l’héritage » ? Ce débat budgétaire fut politiquement tiède et prudentiel. On n’y a vu ni la dynamique, ni l’audace, ni l’ambition, ni ce souffle que des  milliers de Corses sont en droit d’attendre.  Même la majorité absolue ne parviendra pas à faire la quadrature du cercle, ni à exempter l’exécutif de faire des choix budgétaires, et donc des choix politiques, sans quoi il sera davantage encore dans l’épreuve l’an prochain, sauf à faire le pari inimaginable d’une année blanche. 
 
La majorité absolue a en revanche permis de rejeter la motion proposée par Maître Pieri sur la sortie de l’indivision, contrevenant ainsi aux intérêts de la Corse et des Corses.
Comment, après l’union sacrée autour du texte porté par Camille de Rocca Serra au Parlement en 2017, expliquer ce revirement qui conduit à ne pas offrir les modalités d’application de ce même texte, privant ainsi la possibilité faite aux familles de se partager une fois les titres de propriété reconstitués. La position de la majorité est pour le moins incompréhensible, à moins qu’elle ne témoigne d’un essoufflement. Celui d’une majorité dont la structure est d’essence idéologique et peine à trouver une traduction dans l’action. Face à une motion portée par l’opposition sur la sortie de l’indivision, la majorité n’a rien trouvé de mieux que d’agiter le spectre de la dépossession foncière…là où nous proposons de faciliter le partage de biens souvent ancestraux dans des territoires hélas bien peu attractifs pour justement permettre aux familles de les conserver.
 
Cet essoufflement en rappelle d’autres. Celui de 1981 par exemple où la gauche a déçu dans les trois ans ceux qui l’avaient porté aux responsabilités. Elle avait échoué parce qu’elle reposait sur des dogmes et refusait d’admettre le principe de réalité dans bien des domaines. Trois années d’état de grâce inégalé et un triomphe communicationnel, le pouvoir régional fait mieux que la gauche nationale en 1981.
 
Pourtant, la crise des déchets et l’impérieuse nécessité de prendre les décisions qui s’imposent pourraient être à la majorité nationaliste ce que la décision de Mitterrand sur le SME en 1984 a été pour la gauche, un tournant par lequel le principe de réalité a été enfin pris en compte. Léon Trotski eut raison de dire que « La réalité ne pardonnait pas une seule erreur à la théorie ».
 
Les campagnes de bashing sur les réseaux sociaux durant la dernière campagne électorale connurent leur point culminant lorsqu’un militant sévissant sous pseudonyme parodiait des jaquettes de grands films pour mieux discréditer les listes d’opposition, avec une prime de mauvais goût pour la nôtre. Aujourd’hui, si nous devions choisir un film pour résumer notre ressenti quant à l’exercice du pouvoir nationaliste depuis trois ans, ce serait La Grande Illusion de Jean Renoir.
 
Une illusion, comme toujours en génèrent les idéologies. Celle-ci a favorisé d’importants succès électoraux sans pour autant que le quotidien des Corses ne s’en trouve amélioré. C’est bien ce qu’a laissé transparaître ce débat budgétaire : une déception, un manque de souffle, un essoufflement…

Rédigé le Lundi 18 Juin 2018 modifié le Lundi 18 Juin 2018


Dans la même rubrique :
< >

Vendredi 12 Juillet 2019 - 11:25 Le totem de la compagnie maritime régionale

Contributions du groupe Per l'avvene