Assemblea di Corsica
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Discorsu di a Presidente di l’Assemblea di Corsica di a sessione di i 26 è 27 d'uttobre di u 2023


Discours de Marie-Antoinette Maupertuis*, Présidente de l'Assemblée de Corse, prononcé le 26 octobre au cours de la session ordinaire




Signore è signori i cunsiglieri esecutivi,
Signore è signori i cunsiglieri à l’Assemblea di Corsica,
Care tutte, cari tutti,
 
« Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute faite.
Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise âme et même de se faire une mauvaise âme. C'est d'avoir une âme toute faite.
Il y a quelque chose de pire que d'avoir une âme même perverse. C'est d'avoir une âme habituée. »
Charles Péguy, Œuvres en prose.
 
Le 7 octobre dernier, le Hamas réalisait un raid meurtrier à la frontière entre Gaza et Israël, exécutant 1300 personnes et en enlevant plus de 200.
J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur cette question terrible et d’exprimer mon soutien au peuple israélien face à cette attaque inique ciblant des enfants, des femmes et des personnes âgées.
Ce conflit, depuis des décennies, détruit la vie d’innocents, de civils pris au piège d’une violence qui les dépasse, qu’il s’agisse d’israéliens ou de palestiniens, victimes d’idéaux mais aussi de fureurs qui prennent le pas sur leur vie, leur liberté d’aller et venir, idéaux et combats qu’ils ne partagent parfois même pas. Comme nous l’avons fait il y a un instant, lors de la minute de silence, je veux encore avoir une pensée émue pour toutes les victimes de ce conflit quelles que soient leur origine ou leur confession.
Depuis le 7 octobre, de nombreuses voix se sont élevées, en Corse, en France, en Europe et dans le monde, parfois avec des mots justes, des mots de compassion, mais parfois aussi avec un relativisme dangereux, souvent en exprimant une « pensée toute faite ».
Dans cette cacophonie, on oublie souvent la douleur intense de deux peuples, on oublie et on ne voit pas que les larmes de ces mères de part et d’autre de la frontière, contiennent le même sel, celui de la souffrance. On oublie ce qui engendre la violence aveugle et on entend peu les artisans de paix.
Or, nous devons les écouter malgré le vacarme ambiant ! Nous devons les soutenir de toutes nos forces, dans le tumulte fracassant de la guerre. Malgré l’ancienneté de ce conflit, leur âme à eux, ne s’habitue pas.
La nôtre non plus ne peut s’habituer… Et c’est pourquoi nous examinerons à l’occasion de cette session une motion relative à la situation au Proche-Orient déposée par plusieurs groupes et à laquelle je souhaite pleinement m’associer.
 
Jusqu’à l’éclatement des conflits récents à travers le monde et aux portes de l’Europe, nous vivions en Europe une des époques les plus apaisées de notre histoire, et cela grâce à l’avènement d’abord de la Communauté Européenne puis de l’Union Européenne, grâce à des volontés politiques fortes et à la vision de grands hommes.
Nous devons défendre cet héritage de paix dans toutes les occasions qui nous sont données. Chacun doit s’en emparer, y compris dans notre petite assemblée d’une petite île de Méditerranée. Car je me permets de le rappeler même si parfois nous sommes raillés sur ce sujet : nos motions ne sont pas vaines et ceux qu’elles soutiennent nous en savent gré ; elles sont indispensables, surtout lorsqu’elles viennent paver les chemins du dialogue, de la démocratie et de la paix. Et si nous ne le faisions pas, alors nous ne serions pas dignes de l’héritage de Pasquale Paoli.
Si nous ne le faisions pas, nous rejoindrions nous aussi ces âmes qui s’habituent. Et si j’osais, je dirais qu’après l’habitude, vient l’indifférence et de l’indifférence naît, non seulement l’incapacité à reconnaître l’humain chez l’autre mais pire, à voir l’humain qui est en soi. Là réside le risque de sombrer dans la barbarie.
 
Notre âme ne doit donc pas s’habituer à l’horreur qui a cours, aussi en Europe, en France depuis plusieurs années et dont le Professeur Dominique Bernard fut l’une des dernières victimes. Trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, l’obscurantisme terroriste de l’islamisme radical s’attaquait à nouveau à un enseignant. On s’attaque à travers les enseignants à des valeurs fondamentales : la connaissance, la transmission, l’apprentissage, la tolérance et la compréhension des autres. J’ai évidemment une pensée pour cet homme et toute sa famille, car à travers lui, on s’attaque à ceux qui nous poussent à réfléchir, à développer l’esprit critique, celui de nos enfants et à ne pas avoir une « pensée toute faite ». On s’attaque là encore à des artisans de paix ! Car, lorsque les mots et les actes s’inscrivent dans une « pensée toute faite », c’est-à-dire une forme d’abrutissement, c’est alors que l’on s’habitue, que l’on banalise, et que l’on relativise la brutalité.
 
En Corse, nous avons connu et nous connaissons d’autres formes de violence, en particulier celle qui a été évoqué tout à l’heure, sourde et insidieuse de la dérive mafieuse. Evidemment le contexte est différent, il est loin d’être le même, mais le terreau sur lequel elle prospère n’est pourtant pas sans point commun : la perte de sens ou de repères, l’absence de confiance, le choix de solutions toutes-faites, les fameuses âmes habituées constituent des facteurs alimentant différentes formes de violence. Ceux qui la perpétue font fi du bien commun. Cherchant le pouvoir ou le profit, ils créent les conditions chaotiques qui leur permettent de prospérer.
La violence, en Corse comme ailleurs et quelle qu’en soit la forme, produit les mêmes effets : la détérioration du tissu social, la défiance, la division et surtout la peur. La peur toujours, et au bout du compte, le mal-être individuel et collectif.
Ne nous habituons pas à la violence, nous devons la combattre.
Ce combat commence tôt, par une sensibilisation mais aussi une écoute attentive des jeunes. A travers l’Assemblea di a Giuventù et l’Assemblea di i Zitelli, dont nous avons d’ailleurs signé la convention de partenariat avec le Rectorat le 5 octobre dernier, nous nous employons à travers ces instances à initier les plus jeunes au débat d’idées, à l’exercice démocratique tout en renforçant leur esprit critique. Une société dans laquelle la jeunesse et plus largement les citoyens ont les moyens de s’exprimer dans un cadre public, démocratique cherchera à privilégier, le débat, le compromis et la concorde.
Avant de conclure, permettez-moi aussi d’adresser mon soutien à la famille et aux amis de l’artiste Mighele Raffaelli dont la maison a été la cible d’une explosion le 9 octobre dernier. Artiste total, farouche défenseur de la Corse, de la langue et de la culture, il s’est engagé toute sa vie pour créer et vivre dans son île. La destruction de son atelier et des œuvres qui s’y trouvaient sont une immense perte pour notre patrimoine culturel et notre peuple. Preuve s’il en fallait une que, quelles que soient les causes, la violence entraine inéluctablement son lot de douleur et d’absurdité.
 
Cari tutti, cari amichi, notre responsabilité est de favoriser la création des « âmes bien faites » et non pas des « âmes toutes faites ».
Refusons de nous habituer au pire et battons-nous, engageons-nous sur le chemin qui offre à nous tous, je dis bien tous, la paix et la véritable liberté. 

A ringrazià vi.
 

* Seul le prononcé fait foi

Rédigé le Jeudi 26 Octobre 2023 modifié le Vendredi 27 Octobre 2023

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