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"Le patrimoine d'Aleria est une part de notre façon de participer au monde"


Depuis le 20 juillet, le musée archéologique propose une exposition intitulée "Aleria a Rumana". Retrouvez le discours prononcé par le Président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, lors de son inauguration



Monsieur le Président du Conseil exécutif de Corse,
Madame la Conseillère exécutive en charge de la Culture et du Patrimoine,
Monsieur le Président de la Communauté de communes et représentant de la municipalité d’Aleria,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Directeur du Patrimoine,
Mesdames et Messieurs les Conservateur, Commissaires, agents,
Mesdames et Messieurs,
Care amiche, cari amichi,
 
Nos ancêtres étaient, entre autres, étrusques, grecs et romains. Ils vinrent un jour à Alalia et bâtirent Aleria.
La Corse et les Corses sont donc « entrés dans l’histoire » bien avant notre ère. Ils participèrent aux grands enjeux de la Méditerranée, aux batailles, aux échanges, avec les Phocéens, les Etrusques ou les Carthaginois, avec les Syracusains, avec les Romains. Ces pierres silencieuses, « ces solitudes cirées » dirait Paul Valery, « tiennent du temple et du salon, du cimetière et de l’école ». Elles renferment des secrets qui nous suggèrent le loisir, l’étude, voire la méditation. Tel Albert Camus qui, mêlant angoisse et exaltation, depuis l’autre rive, évoque Tipasa :
« Tipasa m'apparaît comme ces personnages qu'on décrit pour signifier indirectement un point de vue sur le monde. Comme eux, elle témoigne, et virilement. Elle est aujourd'hui mon personnage et il me semble qu'à le caresser et le décrire, mon ivresse n'aura plus de fin. Il y a un temps pour vivre et un temps pour témoigner de vivre. Il y a aussi un temps pour créer, ce qui est moins naturel. Il me suffit de vivre de tout mon corps et de témoigner de tout mon cœur. Vivre Tipasa, témoigner et l'œuvre d'art viendra ensuite. Il y a là une liberté. »

La Corse n’est pas circonscrite aux limites d’Aleria et de ses ruines. Le patrimoine n’est pas arrêt sur image. On rembobine un instant pour mieux comprendre le récit qui s’écrit. C’est un appel à vivre. Appel d’autant plus fort que les empreintes laissées par les Romains ne sont pas seulement des reliques exposées dans des musées, des récits historiques de glaives et de galères, ou des vestiges minéraux étendus sous le soleil d’Aleria. Au fil du temps, ces empreintes passées sont devenues autant de gestes ancrés dans le quotidien, de croyances collectives, de témoignages réactualisés à notre insu de notre art de vivre, de notre culture. Le patrimoine d’Aleria, c’est aussi une part de notre manière d’être aujourd’hui, de notre façon de participer au monde.

À l’heure de la mondialisation, Aleria nous rappelle que l’insularité ne fut un isolement que dans quelques livres d’histoire qui voulaient que nous en fussions dépourvus. Pourtant, oui, pourrions-nous dire avec Paul Valery : « notre héritage est écrasant ». Du IIe siècle avant J-C jusqu’au Ve siècle après J-C, Aleria et la Corse sont au centre du monde connu, de l’écoumène, tout en étant connectées au reste du monde. L’île est si proche de Rome, comment aurait-elle pu lui échapper ? Et pourtant, la Corse poursuit sa vie intérieure, les Corses demeurent un peuple à part et la Corse n’échappe pas au topoï des îles : tantôt présentée comme une île riche et nourricière, tantôt comme un lieu d’exil pauvre et désolé. Les Corses, sauvages pour Strabon, ne sont pas pour autant des barbares pour Diodore de Sicile. Nous connaissons tous ces clichés sur la Corse et les Corses, clichés positifs ou négatifs, du reste.

Ma grand-mère – une Alerini, non pas d’Aleria mais d’un village voisin, me répétait non sans une excessive fierté qu’Aleria avait été le grenier de Rome ! Mais aujourd’hui, de ma fenêtre à Santa Severa, lorsque mes yeux se posent sur la prétendue Tour de Sénèque, elle me rappelle les mots terribles du stoïcien à l’endroit des Corses d’alors…

Espérons que cette exposition et les recherches en cours permettront de faire la part des choses entre les discours, les représentations, et la vie quotidienne de ces singuliers ancêtres qui sont les nôtres, en complétant ce que nous en disent les sources littéraires, de bonne ou de mauvaise foi.
Je finirai en remerciant les organisateurs pour le formidable travail qui a pu être réalisé et qui s’offre à nous.
À ringrazià vi assai.
 



Rédigé le Lundi 22 Juillet 2019 modifié le Lundi 22 Juillet 2019

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